Elvire Thomas

Ma grève de 1960: Elvire Thomas.

En 1960, le gouvernement social chrétien de Gaston Eyskens avait mis au point la fameuse « loi unique » en vue de faire des économies pour réduire le déficit budgétaire. Cette loi prévoyait entre autres des restrictions importantes sur les allocations de chômage, les salaires des travailleurs communaux et les pensions des agents de services publics.

Le 20 décembre, la grève était lancée par la FGTB et sera principalement le fait de la Wallonie, la plus touchée avec la menace de désinvestissement dans l’industrie et celle de la fermeture des mines.

Le 22 décembre c’était la CGSP, qui appelait à la grève générale à l’initiative de Georges Debunne. Jeune professeur, affiliée à la CGSP Bruxelles, j’étais pour la première fois confrontée à un appel à la grève. Je n’ai pas hésité, soutenue par mon mari, jeune fonctionnaire qui rejoignait les rangs des grévistes avec moi. Les enseignants se réunissaient au local de la CGSP, rue du Congrès 17/19 (que l’on avait inversé en 19/17). J’y ai retrouvé des anciens collègues d’autres établissements où j’avais fait des intérims. On était heureux de se revoir, on échangeait des souvenirs. Nous rejoignions ensuite d’autres grévistes: postiers, agents des services communaux et publics au centre de Bruxelles où nous défilions fraternellement et pacifiquement, quasi chaque jour, au son de l’internationale et des cris « Eyskens buiten ».

Je me souviens aussi des grandes manifestations houleuses à la Maison du Peuple. nous emmenions parfois nos deux jeunes enfants avec nous, ma fille de 3 ans sur les épaules de son père, mon fils à mes côtés. Ma fille s’en souvient très bien. Elle était fière de son papa à qui on serrait la main, qui parlait avec tant de gens. Pour elle, il devait être une personnalité importante. Une autre anecdote l’avait frappée: la récolte de vivres et de boites de conserves pour les grévistes de Wallonie, mineurs, métallurgistes, particulièrement touchés par les restrictions. Pour elle, les grévistes étaient assimilés aux boites de conserve.

La loi unique fut votée le 13 janvier mais la dissolution des chambres ne permettait pas de l’appliquer dans l’immédiat. Elle le sera, avec des aménagements, par le gouvernement suivant. Nous sommes rentrés dans nos écoles, têtes hautes, accueillis chaleureusement par nos élèves.

Cette grève, si elle n’a pas eu les résultats escomptés aura été pour tous, une leçon de solidarité, de fraternité. Elle fut le prélude à d’autres mouvements revendicatifs et pour moi le début d’un engagement politique et syndical.

Elvire Thomas


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