Les révolutions qui agitent le monde arabe, de l’Afrique du Nord au Moyen-Orient, nous ont valu un certain nombre d’images de femmes. De l’étudiante tunisienne cheveux au vent, juchée sur les épaules d’un camarade et exhibant le fameux « Dégage » adressé à Ben Ali à la jeune fille égyptienne en jeans et foulard rassemblant les matériaux d’une barricade dressée contre les sbires de Moubarak en passent par des femmes de toutes conditions se joignant aux manifestations… Qu’espèrent-elles? Que veulent-elles? Leurs revendications sont elles spécifiques?
Toute l’ambiguïté de ce mouvement large et inattendu se retrouve dans ces questions. Les médias ne manqueront pas d’insinuer que ces femmes sont manipulées, puisque éternelles mineures et à tout jamais incapable de prendre des initiatives. Les uns assureront qu’elles ont été manipulées par les Américains, désireux par exemple de liquider enfin leur ennemi de longue date, Khadafi. Pour d’autres, elles seraient au service – consciemment ou non – d’islamistes.
Nul ne sait à l’heure où sort ce bulletin quel sera l’avenir de ces révolutions. Je pense que beaucoup de femmes y ont participé car elles ne pouvaient tout simplement plus supporter l’intolérable fait pour elles de difficultés matérielles quotidiennes, d’absence d’avenir pour elles et leurs enfants, de corruption, de flagrantes injustices et de répression sanglante de toutes les dissidences.
Auront-elles gagné dans cette bataille des avantages spécifiques pour les femmes? Pourront-elles demain dans tous ces pays être des égales des hommes? Hériter comme aux de leurs parents, exercer le métier qui leur plaît, se marier ou non, garder leurs enfants en cas de divorce ou comme mères-célibataires, prendre l’initiative d’un divorce, éradiquer la polygamie et les mutilations imposées aux filles?
Les femmes sont souvent appelées à la rescousse lors des guerres et révolutions. Leur détermination est alors présentée comme le symbole de l’unanimité qui soutient ces événements. Mais, sans être exagérément pessimistes, il nous faut aussi constater que l’histoire nous apprend (après la guerre en Algérie, chez nous après la Résistance…) que, ces crises passées, les femmes sont rarement remerciées autrement qu’en les renvoyant à leur condition passée, celle justement à laquelle elles ont pensé échapper le temps d’une explosion. L’histoire n’ayant rien d’une science exacte, où les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, gageons que, cette fois-ci au moins, la condition des femmes puisse tirer avantage de leur participation à ces vastes mouvements de contestation qui secouent le monde arabe.
Anne Morelli, avril-septembre 2011.