Interview d’Anne Morelli

Mouvement pacifiste recherche militantes !

 « FEMMES POUR LA PAIX » EST UN MOUVEMENT NÉ EN 1949 MAIS EN PLEINE RECONSTRUCTION. LES MILITANTES DES PREMIERS JOURS SONT QUASI TOUTES DÉCÉDÉES. AUJOURD’HUI, UN PETIT NOYAU REPREND LE FLAMBEAU ET TENTE DE FAIRE REVIVRE L’UN DES PREMIERS BASTIONS DU PACIFISME FÉMINISTE EN BELGIQUE. LE MOUVEMENT DES « FEMMES POUR LA PAIX » EST UNE PETITE ORGANISATION MAIS ELLE A SU RÉSISTER AUX RAVAGES DES LUTTES ET DU TEMPS. MULTICULTURELLE, ELLE CHERCHE À SE MAINTENIR, S’AGRANDIR AFIN DE POURSUIVRE LE COMBAT QUE LES PREMIÈRES MILITANTES ONT PORTÉ DEPUIS PLUS DE 50 ANS.

PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE SAMBI NZEBA

 1. Qui sont à l’origine les « Femmes pour la Paix » ?

Après la 2e guerre mondiale, le monde était divisé en deux, miné par la Guerre froide. FPP a été créé par d’anciennes résistantes et des femmes refusant cette division et refusant d’être entraînées dans les tensions entre le bloc de l’Est et celui de l’Ouest. Malgré le nombre important de militantes communistes qui y étaient présentes, le « Rassemblement des Femmes pour la paix », comme le mouvement s’appelait alors, se présenta toujours comme un mouvement féminin politiquement neutre.

 Cependant, son action ne s’est pas limitée à l’actualité internationale : les droits des femmes, l’accouchement sans douleur, la grève des «femmes-machines» de la Fabrique Nationale de Herstal, la lutte pour le droit au travail des femmes mariées, le soutien au long combat pour la dépénalisation de l’interruption de grossesse, sont autant d’axes importants de son programme.

 2. Tant d’années après, est-ce que ce mouvement a toujours un sens ?

Je peux vous répondre par deux questions. La paix est-elle effective partout dans le monde ? Devons-nous accepter d’ intervenir partout dans le monde pour défendre les intérêts occidentaux ?

Notre rôle à nous c’est d’être des femmes pour la paix et non des femmes pour la guerre. Ne doit-on pas lutter contre l’envahissement des médias par la propagande de guerre  ? Il y a quelques mois encore Kadhafi était présenté dans les médias comme un personnage sympathique qui plantait sa tente dans les jardins de l’Elysée ! et aujourd’hui il est le diable contre lequel tout est permis, y compris aux dépens des civils libyens.

 Le diable c’est toujours l’autre : Saddam Hussein, Milosevic, Ben Laden…. On se laisse entraîner à courir toutes les guerres ! Le plus stupéfiant c’est qu’il y a même des femmes progressistes qui trouvent des excuses «…Cette fois-ci c’est vraiment justifié vous savez ». Jusqu’à ce qu’elles comprennent qu’on les a bernées par des mensonges : l’UCK qu’on a appuyée en Yougoslavie n’était pas fréquentable, Saddam n’avait pas d’armes de destruction massive…Et on apprendra sans doute demain que les « civils » libyens qu’on appuie n’ont rien de « civils ».

 3. Les femmes sont-elles plus pacifistes que les hommes ?

Non, pas du tout. Il faut évacuer ce préjugé qui voudrait que les femmes seraient naturellement plus pacifiques que les hommes parce qu’elles donnent la vie. Il y a des femmes qui prennent les armes, qui intègrent l’armée, qui sont tortionnaires. Qui le matin bercent leur enfant, le portent à la crèche et l’après-midi sont prêtes à tuer parce qu’on le leur a ordonné. Etre pacifiste, ce n’est pas une question de sexe, c’est privilégier d’autres solutions que la guerre.

 4. Mais vous dites quand même que comparées aux hommes, les femmes sont différemment concernées par les conflits armés…

 Notre rôle de pacifistes c’est avant tout d’apporter une réflexion, de démonter les arguments mensongers en faveur des guerres et de freiner les élans belliqueux. Mais je crois effectivement que les femmes doivent se faire entendre spécifiquement sur la question de la guerre ou de la paix. Il y a bien sûr des femmes combattantes, des femmes résistantes, et elles ne partent pas au combat armées de fleurs ! Mais depuis la nuit des temps, dans la plupart des conflits armés, les femmes sont victimes de guerres auxquelles elles n’ont pas participé et qu’elles n’ont pas voulues.  Un certain nombre de femmes qui ne s’intéressent pas nécessairement à la politique ou aux questions socio-économiques sont touchées par cette situation spécifique des femmes. C’est souvent extrêmement concret : les guerres détruisent inévitablement des foyers, mettent en péril et tuent de milliers de femmes et d’enfants qui sont les premières victimes civiles toutes désignées.

A travers ce prisme, beaucoup de femmes, d’origines culturelles diverses, peuvent s’intéresser aux conflits, à leurs causes, à leurs modalités et aux possibilités de les empêcher.

 5. Comment se porte le mouvement aujourd’hui ?

 « Femmes pour la Paix » est un mouvement  en pleine reconstruction. Les militantes des premiers jours nous ont quasi toutes quittées. Aujourd’hui, c’est un petit noyau qui reprend le flambeau et tente de faire revivre l’un des premiers bastions du pacifisme féministe. Nous avons, au-delà de notre petit bulletin de liaison, des projets plus vastes et notamment une grande journée de réflexion sur le thème « Les femmes sont-elles naturellemnt plus pacifiques que les hommes ? », qui réunira des intervenants de très diverses disciplines. Aujourd’hui, les « Femmes pour la Paix » se veulent aussi clairement représentatives de la Belgique multiculturelle. Mais nous avons besoin de forces vives, de femmes prêtes à s’engager contre les guerres et leurs inévitables concerts d’horreurs.

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