Slovénie, les années 2000. Damien a vingt ans au moment où Jasna Krajinovic tourne son film documentaire. Il sort de prison où il a passé plus de cinq ans pour avoir battu à mort un sdf, un soir de beuverie avec des compagnons d’errance. Damien raconte son enfance, sa relation avec sa mère, la dépendance à la drogue du père qui a fini par le tuer, son éducation par ses grands-parents, pleins d’affection… et d’incompréhension.
Il revient sur cette fameuse soirée, la rage d’une vie d’adolescent frustre et frustré surgie des brumes du cannabis et de l’alcool et qui s’exprime en tuant. Il raconte à la caméra de Jasna Krajinovic la colère sans nom, le vide de sa propre vie d’enfant du monde ouvrier tel qu’il est devenu dans l’ex-Yougoslavie. Ponctué d’images en noir et blanc, le film montre l’enfermement de la prison auquel répond, comme un écho glacé, l’enfermement du dehors.
Car la vie hors les murs que Damien et ses camarades de cellules espèrent s’avère tout autant un espace d’enfermement, le lieu d’une vie sans perspective pour les jeunes des milieux populaires. À l’enfermement carcéral répond cette vie de misère matérielle, mais aussi morale et affective du dehors. Au delà des mots, Jasna Krajinovic parvient à capter la conscience qu’a Damien de cette ambivalence du « dehors enfermé ». Sans augurer de solution que la réalité n’apporte pas, aucune révolte sociale à l’horizon ne permet d’espérer d’autres lendemains.
Le film s’achève pourtant sur une ouverture : Damien n’est pas brisé.
Article de Samia Beziou